Shan Sa

Shan Sa est devenue au fil de ses livres l’une des mes auteurs préférées. Je crois que j’ai commencé avec « les quatres vies du saule », qui raconte comment deux amants se retrouvent de vie en vie à travers les époques pour revivre et poursuivre à l’infini leur histoire…

Charmée par son écriture et par le thème, j’ai poursuivi avec « la joueuse de go » : encore une étrange histoire d’amour, pendant la 2ème guerre mondiale ; sans échanger un seul mot, une jeune Chinoise et un soldat Japonais se retrouvent tous les jours autour d’un jeu de go en une partie interminable, chacun excellant à sa façon dans ce domaine… Moments de paix à l’atmosphère troublante, temps suspendu où la vie de chacun s’arrête et se concentre autour de leur table, où ils apprennent insensiblement à se connaître en devinant les intentions, les techniques de l’autre par le jeu… Mais la guerre les rattrape violemment. Ce roman court et intense m’a emmenée très vite.

Mais mon favori reste Impératrice… Shan Sa prend cette fois la plume pour nous faire revivre la vie de la seule femme empereur de Chine, en l’écrivant entièrement à la première personne. Ce Je omniprésent nous envoûte, dès la naissance de cette femme, jusqu’après sa mort alors qu’elle nous raconte comment son nom fut banni et oublié… Comme une voix, une incantation qui refuse de s’éteindre, et qui poursuit son lecteur longtemps après le livre refermé.

Voici ce qu’en dit l’auteur  « Une impératrice chinoise du VIIIe siècle. Ce sera le récit de sa vie, 80 ans de règne sur l’empire le plus prospère et le plus grandiose du VIIIe siècle. J’essayerai – à travers le corps, la peau, les yeux et les cheveux de cette femme – de ressusciter une époque évanouie. Mais tous les personnages, tous les événements tragiques et toutes les pensées ont toujours été et seront toujours. »

J’ai trouvé d’occasion tout récemment « Alexandre et Alestria » mais j’ai été très déçue… violence, répétitions, peut-être est ce lié au sujet mais l’épopée d’Alexandre le Grand m’a laissée de marbre…

En revanche, j’ai hâte de lire « la cithare nue » et j’espère vous en parler lors d’une prochaine chronique !

Le dit de Tian Yi, François Cheng

On parle souvent « d’oeuvre incomparable » pour parler du « Dit de Tianyi », de François Cheng… et c’est à mes yeux amplement mérité.

Lors d’un voyage en Chine, l’auteur revoit Tianyi, un ancien ami : ce dernier, très malade, lui remet ses notes autobiographiques. Chine traditionnelle de l’avant guerre, milieu artistique en Occident, puis retour en Chine communiste aux heures les plus dures de la révolution… la vie de Tianyi est mouvementée et étroitement liée à l’histoire de son pays. C’est lorsqu’il cherche à retrouver son amour d’enfance et son meilleur d’ami, qu’il est à son tour entraîné dans la tourmente… pour aller jusqu’au bout de sa quête, de ses engagements et de son art.

François Cheng est l’un des plus grands spécialiste de la poésie et de la peinture chinoise, et son écriture en est imprégnée. Il a su merveilleusement mettre son talent d’écrivain au service de l’histoire de son ami : c’est tellement beau, sensible, à la fois dans le choix du mot le plus juste et dans les images qu’il fait naître, que les larmes me venaient parfois aux yeux et que je relisais plusieurs fois certains passages… L’un des plus romans de ma bibliothèque, indiscutablement.

Les années douces tome 2

Le tome 2 des « Années douces » de Jiro Taniguchi est sorti, et clôt ainsi l’adaptation par le célèbre dessinateur japonais du roman d’Hiromi Kawakami.

A la fin du tome 1, nous avions laissé Tsukiko perdue au milieu des sentiments qu’elle sentait naître pour son professeur, au fil de leurs rencontres surprises ou prévues… L’ambiguïté est toujours de mise, mais je n’en dis pas plus pour préserver votre lecture !

Sachez donc simplement qu’au fil des chapitres, cette histoire simple en apparence m’a touchée et emportée, pour ne me laisser revenir qu’une fois le livre refermé, avec un goût de nostalgie et de douceur qui refuse de s’en aller… il est rare que je prenne autant mon temps pour déguster une BD, pour revenir à une vignette et l’observer dans les détails, pour en saisir l’atmosphère… Mais le dessin de Taniguchi s’y prête, tant il donne vie à ses personnages et à toute la palette de leurs émotions. J’ai maintenant envie de lire le roman de Kawakami, j’ai vu qu’il existait chez Picquier Poche !

Le discours de la tortue, de Cyrille Javary

J’ai lu ce livre il y a un moment déjà, juste avant de commencer mes études d’acupuncture… Je cherchais un ouvrage qui puisse m’aider à m’initier à la pensée chinoise, à en saisir certaines subtilités avant de me lancer dans ces études qui allaient durer 4 années !

Je crois que j’avais choisi le livre idéal : en effet, l’auteur retrace l’histoire du Yi King et son influence sur la pensée, l’écriture et la philosophie chinoises. C’est passionnant (cela se lit comme un roman !), très bien écrit, et très riche : un excellent ouvrage donc pour découvrir l’importance du Yi King, qui est bien plus qu’un simple système de divination, et son rôle central dans la structuration de l’esprit de la Chine ancienne et traditionnelle. Yin et Yang, hexagrammes, trigrammes, cosmogonie, destin et traditions, l’auteur tisse des allers et retours précieux entre ses sujets de prédilection.

Je conseille souvent cet ouvrage aux étudiants qui souhaitent s’inscrire en école d’acupuncture, mais aussi aux amis qui aimeraient mieux comprendre certains concepts tout en gardant un vrai plaisir de lecture !

Présentation du livre par Djohi, l’association de Cyrille Javary :

« Yin et Yang, ces deux diamants de la sagesse chinoise ne sont pas tombés du ciel. Ils sont nés dans les pages du Yi Jing, le Livre de Changements. Texte de base du mode de penser chinois, le Yi Jing (dont le nom fut longtemps orthographié Yi King) tient dans la civilisation de la Chine classique une place comparable à celle du Discours de la Méthode dans la nôtre. Depuis qu’y furent incorporés les concept de Yin et Yang, il y a servi de vocabulaire, de référence et de logique implicite à la quasi-totalité de ce qui s’est pensé sur les bords du Fleuve Jaune.

Pourtant le Yi Jing n’est pas d’un seul jet. C’est un aboutissement, le résultat d’un vaste processus de réflexion et de distillation intellectuelle s’étendant sur des siècles et à l’origine duquel on trouve une tortue. Ou plus exactement une carapace de tortue, couverte de caractères chinois.
C’est à l’âge du Bronze que se situe cette origine commune de l’écriture et de la rationalité chinoise. À cette époque, pour se renseigner sur l’opportunité d’un projet, on approchait une carapace de tortue d’une source de chaleur ce qui y provoquait des fendillements dont les formes étaint analysées. On notait ensuite le pronostique tiré de cet examen en gravant des signes à même la carapace. Ces fendillements linéaires auxquels les anciens Chinois ont décidé de donner du sens deviendront les traits rectilignes des figures du Yi Jing (les hexagrammes) et les courbes élégantes des idéogrammes chinois. Ils ouvrent l’originalité de la pensée chinoise.

À dérouler le fil qui remonte à la source même du Yin Yang, on rencontre milles facettes de la richesse de la pensée chinoise et on découvre au passage les constants échos que la Chine actuelle entretient avec son histoire passée.
Après s’être construit pendant un millénaire, le Yi Jing va entreprendre sa carrière officielle. Commence alors, au tournant de notre ère, l’histoire de son interprétation qui se poursuit avec son passage en Occident au XVIII° siècle. Ce sera l’histoire d’une privation, celle de la mise à l’écart du Yin.
Les deux époques où le Yi Jing fut le plus étudié, les Han et les Song, ont été les deux moments de l’histoire chinoise durant lesquelles les femmes furent le plus mal traitées. Et l’époque où elles furent le plus heureuse, les Tang, est la plus pauvre en travaux sur le Livre des Changements. Finalement, par les détours de l’histoire, les traductions en langues européennes allaient transmettre un Yi Jing étriquée, issu de la vision boiteuse des Song qui avaient repris et amplifié l’opprobre que les Han avaient jeté sur le Yin.

Or lorsqu’on se rapporte avec soin au texte ancien, on s’aperçoit que c’est plutôt le contraire qui y est mentionné : la réponse Yang à une situation y est deux fois moins souvent conseillée que la réponse Yin. La raison en est peut-être que les anciens rédacteurs du Yi Jing avaient remarqué avec sagesse que la réponse Yang, primaire, immédiate, n’a pas besoin de conseils pour être suivie ; la réponse Yin en revanche, secondaire, réfléchie, mesurée, ne nous vient pas d’instinct, elle doit être apprise, c’est pourquoi le Yi Jing la recommande.

Cyrille J.-D. Javary qui a effectué toutes ces recherches pour finaliser une nouvelle traduction du Yi Jing renouvelant considérablement le regard porté sur le Yin dans le Livre des Changements, nous convie, avec ce Discours de la Tortue au ton enjoué, à découvrir la double aventure de l’élaboration de l’écriture chinoise et l’accomplissement d’un de ses plus remarquables joyaux. »

Les années douces de Jiro Taniguchi

Je ne me tiens sans doute pas assez au courant de ce qui sort en BD… mais quand je tombe sur un nouvel album de Jiro Taniguchi, je l’achète les yeux fermés et rentre le plus tôt possible chez moi pour le lire d’une seule traite !

J’aime sa sensibilité, son dessin, son style quasi cinématographique qui me transporte à chaque fois aux côtés des personnages ou me donne l’impression de flotter au dessus de la pièce ou du lieu dans lequel ils évoluent…
C’est chose faite une fois de plus avec « Les années douces » , d’après le roman de Hiromi Kawakami : un jour, Tsukiko revoit par hasard l’un de ses anciens professeurs dans un bar. Ils prennent l’habitude de se retrouver, avec ou sans rendez-vous, avec ou sans paroles, se découvrant tour à tour points communs et différences, entre souvenirs et quotidien…

Vous vous demandez comment une histoire aussi simple peut me faire basculer dans une lecture dont peu pourraient me faire décrocher 🙂 ? C’est là toute la magie de Jiro Taniguchi, qui illustre tout en délicatesse et en subtilité les sentiments et la vie intime de ses personnages, les dotant d’une présence et d’une profondeur qui leur est propre. La fin de ce premier tome nous laisse sur une Tsukiko troublée… Vivement la suite !

Présentation de l’éditeur :
« Dans le café où elle a ses habitudes, Tsukiko, âgée de trente-sept ans, fait la connaissance d’un homme solitaire et élégant, de plus de trente ans son aîné. Elle réalise qu’elle le connaît : il fut autrefois son professeur de japonais. Elle est célibataire, il vit seul. Complices, ils prennent l’habitude de se retrouver, au hasard de leur emploi du temps, puis, bientôt, d’improviser des sorties ensemble. Insensiblement, à petites touches légères, une connivence s’établit, puis une véritable affection. En adaptant le roman de Hiromi Kawakami, Les Années douces, Jirô Taniguchi s’essaie avec brio au thème de la rencontre amoureuse. Un récit intimiste et délicat, tissé de bonheurs fugaces et d’enchantements saisis au vol. »

Les années douces, Jiro Taniguchi. ISBN : 978-2203029750 sorti en août 2010 chez Casterman.

Jiro Taniguchi

Grâce à un collègue, moi qui ne connais rien à la BD et encore moins aux mangas suis tombée complètement sous le charme des écrits et des dessins de Jiro Taniguchi. Il paraît qu’il est le mangaka de ceux qui ne lisent pas de mangas hihihi ! Je ne saurais le dire puisqu’il est mon premier pas dans cet univers, mais je me régale à chaque volume.
J’ai commencé par la montagne magique, au grand format inhabituel pour ce genre : au Japon, un jeune garçon et sa soeur vivent difficilement l’absence de leur mère, gravement malade et hospitalisée. Les adultes essayent de leur cacher la gravité de son état, et les enfants trompent leur ennui en explorant les ruines et la montagne de leur petite ville… Mais ils vont rencontrer l’esprit du lieu, qui peut les aider à sauver leur mère si eux l’aident à protéger la montagne et sa source sacrée…

Le thème ne pouvait que me plaire ! Et les thèmes de prédilection de Jiro Taniguchi sont plantés : secrets et nostalgie de l’enfance, beauté, respect et vie de la nature et de la montagne en particulier…

J’ai ensuite enchaîné avec « K » : avec le part coeur des points d’acupuncture, j’avais grand besoin de me changer les idées et de varier la lecture 😀 Ce volume là regroupe 5 récits d’alpinisme sur les plus grands sommets du monde : j’avoue n’y connaître strictement rien et pensais ce thème très (trop ?) masculin pour moi, mais je me suis retrouvée suspendue à la montagne avec le grimpeur, scotchée par le rendu des dessins et de ses ascensions ! On retrouve là encore le respect de la nature et des divinités des montagnes sacrées, l’humilité de l’homme qui essaye de faire corps avec elle…

Le virus était attrapé ! J’ai poursuivi avec « Quartier lointain », dans lesquel un homme d’une bonne quarantaine d’années se retrouve téléporté à l’âge de ses 14 ans, dans son corps et son environnement d’adolescent… quelques mois avant la disparition de son père, qu’il va essayer de comprendre, et d’éviter. Je n’en dis pas plus pour ne rien dévoiler, mais celui là m’a vraiment touchée aussi : il y a vraiment un rendu très cinématographique dans ses dessins, les expressions, le rythme…

La semaine dernière, ce fut le tour du « Journal de mon père » :  à la mort de son père qu’il n’a pas revu depuis 15 ans (eh oui, encore une histoire de famille, et de retour aux racines !), un homme retourne dans sa ville natale pour la veillée funéraire, et redécouvre à travers les histoires racontées par chacun celui qu’il a si longtemps rejeté… ou comment avoir envie dès le livre refermé de ne jamais laisser de malentendu et de peine s’installer, et de dire à ses proches qu’on les aime !